J'ai peur des gens. J'ai peur des autres. Ca dépasse l'associabilité, ça devient de l'anti-sociabilité. J'ai peur et je sais même pas pourquoi. Quand je cotoie mes congénères, c'est la confusion des sentiments. Quelque chose d'indéfinissable. De pas franchement insurmontable mais de paralysant. Peur, oui, y a que ce mot qui convient. Comme la peur du noir quand j'étais petite...

[Alors allumez des lumières.]

Aujourd'hui, y avait des gens à la maison... Dont trois personnes de mon âge. C'est pire, c'est cent fois pire. Les gens qui n'otn pas mon âge, plus vieux ou plus petit, ne s'interesse pas à moi, il ne cherchent pas à nouer des liens, alors ma panique s'apaise un peu (je reste quand même très renfermée, mais c'est un trait de caractère) et j'arrive à respirer. Les gens de mon âge.. Non, non. Ca me dépasse. Leurs phrases, leur attention, leurs sourires... Alors je mets un masque de dureté et de froideur, je marche avec un air excessivement lointain, je pose ma voix et mon regard pour tout rendre atone. Je deviens une reine. Je me dis que personne n'oserait s'approcher d'une reine...

Aujourd'hui, je me suis arrangée pour prendre ma douche au moment où les invités arrivaient. J'ai passé une heure dans la salle de bain, soi-disant pour me préparer, en fait enveloppée dans ma serviette, à grelotter sur le carrelage, en me répétant que je pouvais y arriver. En arriver à cette extrémité-là... C'est que des jeunes bon sang... Ma mère est venue trois fois taper à la porte en disant qu'il fallait que je descende. "Je t'en prie, Mary-Gin, sois polie".
Polie...
Quand j'étais petite, y avait une période qui a duré plusieurs années, où j'ai refusé de dire bonjour et au revoir. Sale gosse... Je supportais pas le fait d'aller vers les gens, de leur faire la bise et de prononcer le mot poli. Les gens disaient "Comme elle est mal élevée!.."

Moi je m'en fous d'être mal élevée, si c'est c'que vous croyez alors croyez-le, ça fait longtemps que je me suis habituée à être le vilain petit cygne, la fillette aux yeux méchants, la petite sorcière. Et vous sourire, vous dire bonjour, ça m'insupporte, j'en vomirais... Vous toiser du regard, esquisser un rictus méprisant, c'est mes seules armes alors respectez-le. Si vous voyiez qu'au fond de moi j'ai peur, peur peur peur de vous... A m'en frapper les poings contre les murs.

Après l'heure passée dans la salle de bain, j'ai fini par descendre. Je suis restée deux minutes dans les escaliers à me répéter que j'allais pas en mourir. Descendue, j'ai dit bonjour, de loin, à tout le monde, je les ai même pas regardé, je me suis cassée dans le salon avec mon livre. J'ai mangé en prenant n'importe quoi dans le frigo, j'avais pas le courage d'aller à table avec eux. Quand ils m'ont posé des question sur moi, mes études, j'ai répondu avec de très longs silences, le plus vaguement possible, avec un regard agacé. Ils ont pas insisté. Ils ont même pas cherché à me dire au revoir... Tant mieux.

[Percez mon crâne, enlevez-moi ce qu'il y a à l'intérieur, j'veux plus être une reine, j'veux plus être une petite sorcière, j'veux vivre...]